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12 juillet 2015 7 12 /07 /juillet /2015 07:23

Voici des années que je n'ai rien mis dur mon blog. il faut dire que je n'ai plus beaucoup de temps et que ma vie a bien changé depuis.

Deux événements rythment ma vie depuis ces années: tout d'abord mon fils Johann qui refuse de me parler et je ne sais pas vraiment pourquoi, et mon nouveau travail.

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18 janvier 2011 2 18 /01 /janvier /2011 13:29

2010-12-03 09.38.19

 

 

 

Il était un grand sapin, assez vieux,

Fier et vigoureux.

A quarante-trois ans, il dominait les autres, ses amis de la forêt.

L'écureuil et ses petits l'adoraient,

Tant il était facile à escalader.

Ses cônes faisaient leur régal et celui des autres rongeurs aussi.

A chaque printemps il grandissait et le bout de ses branches,

Prenait une teinte fraîche et bleutée.

Parfois des amoureux,

Venaient s'asseoir à son pied et se faire des messes basses.

En ces moments là,

Il regardait le ciel et faisait celui qui n'entendait rien.

Sauf les oiseaux sous ses ramures.

 

Un jour d'hiver, alors que la neige lui faisait baisser les bras,

Il entendit des voix qui s'approchaient.

Plus rudes qu'à l'habitude.

Des hommes.

A son pied, il déposèrent leurs outils.

Le vent lui fit courber la tête,

Mais avec toute cette neige, il ne voyait pas jusqu'au sol.

Soudain un bruit épouvantable lui monta à la tête.

Il l'avait déjà entendu ce bruit,

Mais dans le lointain.

Et peu après, il avait vu ses amis s'écrouler dans la forêt,

Et partir, pour toujours.

 

On lui avait rapporté que ce n'était pas vraiment grave.

Que sa vie d'ici était terminée,

Et qu'une autre vie allait commencer,

Ailleurs, autrement.

Selon leurs origines,

Certains devenaient meubles, instruments de musique,

Ou étagères.

Ou pire, cageots de légumes, boîte de camembert.

Pouahhh.

Malheureusement pour lui,

L'épicéa est une race sans grande valeur.

Mal né.

 

Une fois ses bras coupés et abandonnés à la vermine,

On le fit monter sur un camion.

En trois morceaux.

Et saucissonné avec des câbles qui lui écrasaient les côtes,

Il roula pendant des heures, sous la pluie.

Nu.

Puis à l'arrivée, jeté dans la boue.

 

Quelques semaines plus tard,

D'autres hommes vinrent s'agiter autour de ses troncs.

Qui furent soulevés par un engin et déposés sur un chariot.

Le bruit était encore plus violent que ce qu'il connaissait jusqu'à présent.

Et c'est en planches que ça fini.

A cette époque,

Il rêvait encore de devenir petit meuble de cuisine ou de salon,

Dans un magasin scandinave.

Ou planchette dans une grande surface pour bricoleur,

Payée encore cher, puis bichonnée et laquée pour la chambre du nouveau-né.

Mais c'est sous forme de palette qu'il fini.

 

Le pire est a venir.

Elle fut vendue avec ses semblables à une usine.

On lui mis sur le dos une quantité de lourds cartons et autres boîtes.

Après d'autres voyages et diverses brutales manutentions,

Elle fut balancé négligemment dans un container à ordures.

Avec d'immondes cageots pour compagnons.

Quelle descente aux enfers pour un si beau sapin,

Qui vivait si heureux, avec ses amis,

Dans la forêt, loin d'ici.

Soudain, des hommes arrivèrent en meute hurlante et vociférante

On la pris par la planche et la jeta à l'arrière d'une camionnette,

Avec d'autres.

Quelques minutes plus tard, elle arriva sur une route envahie par des gens,

Probablement échappés d'un établissement,

Car ils soufflaient dans des trompettes et des sifflets,

Les joues rouges, les yeux injectés de sang,

A cause du vent probablement.

D'autres poussait des cris inintelligible ou abstraits,

On aurait pu croire qu'ils chantaient.

Puis on la jeta sur un tas de vieux pneus enflammés.

Sur leur poitrine on voyait un badge : cégété.

A contrecœur elle brulât.

Sans étincelles. Sans chaleur.

Pour rien.

Dur.

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12 février 2010 5 12 /02 /février /2010 18:51

imagesUn homme à la mer

 

         L'histoire que je vais vous raconter est arrivée il y a quelques années au cours d'un convoyage vers les Antilles. Je devais livrer à Pointe à Pitre un catamaran « Privilège 48 » tout neuf construit au Sables d'Olonne pour le compte d'une société de location de bateau et de charter. L'équipage cette fois là était composé de Vincent qui était mon matelot à la pêche et sa fiancée la blonde Buster. Avec Vincent nous avions déjà convoyé un monocoque de treize mètres pour la même entreprise et sur le même trajet(Feeling446). Il y avait Thierry, un copain de Douarnenez avec des moustaches de phoques et l'œil rigolard. Yves, le père de ma fiancée, charpentier de marine en retraite qui n'avait jamais été en mer. Puis Christine sa fille qui est aujourd'hui ma douce et tendre moitié et qui faisait sa deuxième traversée de l'Atlantique en Privilège.

Voici une semaine que nous avons quitté Funchal à Madère et le rythme du bord est bien établi. L'alizé est installé au nord-est et souffle régulier entre 15 et 20 nœuds avec de temps en temps quelques rafales au passage de nuages porteurs d'averses. La mer est belle avec des creux de un mètre cinquante à deux mètres par moment. Le pilote automatique tient la barre depuis le départ et nous allons bon train sous spi asymétrique entre 10 et 13 nœuds. Quelques paille-en-queues d'un blanc immaculé tournent autour de nous en piaillant. Ils semblent vouloir se poser en tête de mât; ce qui est mission impossible dans une telle mer.

Mon quart se termine avec le lever du soleil suivi quelques minutes plus tard par Thierry qui doit prendre la relève. Pendant qu'il prend son petit déjeuner, je fais le tour du pont dans l'espoir de ramasser quelques poissons volants atterris là au cours de leurs vols de nuit malchanceux. Les plus jolis seront mangés frits ou marinés au citron,délicieux. Nous mangeons souvent du poisson; grâce au deux lignes à la traîne depuis le départ pendant la journée, thons et dorades coryphènes sont souvent au menu. Pour l'instant, elle ne sont pas encore à l'eau. Lorsqu'il me rejoint dans le cockpit, Thierry me fait remarqué que le pont est vraiment sale, cendres de cigarettes et autres miettes éparpillées par les personnes de quart durant la nuit, et qu'il serait bon de le nettoyer en y balançant quelques seaux d'eau. Je descend donc dans la jupe du flotteur bâbord, et bien accroché à la main courante, je puise des seaux d'eau dans l'océan que je lui passe pour qu'il nettoie le pont; à dix nœuds puiser des seaux d'eau de mer demande quelques précautions. Maintenant que c'est à peu près propre, je pense aller me coucher. Arrivé dans la coursive qui mène à notre cabine, je me souviens que j'ai oublié de mettre les lignes à la traîne comme tous les jours. Donc, demi-tour et je remonte dans le cockpit. Thierry est descendu dans la jupe avec un seau qu'il balance dans le sillage d'un geste large et décidé. Le résultat est immédiat ; le choc provoqué par le bout du seau soigneusement enroulé autour de son poignet le fait plonger dans la grande bleue. Toutes sortes de noms d'oiseaux me viennent à l'esprit. L'instant est grave, il va falloir faire vite. Je me jette au poste de barre pour enfoncer la touche MOB du pilote. La bouée fer à cheval et sa perche IOR son juste à côté je les jette à l'eau après les avoir libéré de leurs liens plus ou moins embrouillés. En regardant derrière et je ne vois rien, plus de Thierry, nous sommes sous spi à plus de dix nœuds. Mes hurlements ont réussi à réveiller Vincent qui arrive sur le pont en se demandant ce qui peut bien se passer. Pour tout réponse je lui crie; »Vite, affales le spi. . J'ai déjà choqué le bras en grand et la toile claque furieusement dans l'alizé. Pendant qu'il se suspend à la chaussette, je mets en route les moteurs.

Sur le cadran du pilote, le cap est affiché; 245. Il me faut retrancher 180 pour faire le cap inverse. J'ai pas envie de faire des additions ou des soustractions à ce moment là. Mais il le faut: 0 ôté de 5 =5, 8 ôté de 14=6, donc 65. La barre à droite toute, lorsque je vois 65 sur le cadran du pilote, je le rebranche; il barrera mieux que moi qui scrute la mer dans l'espoir de revoir mon pote. Ce branle bas de combat à fait sortir les filles de leur sommeil douillet et elles arrivent sur le pont où l'ambiance fait pressentir un drame. Les manettes de gaz sont dans le coin et le bateau remonte dans le vent en faisant des bonds de cabri dans le haut des vagues. Ça fait une minute maintenant qu'on a fait demi-tour et toujours rien, évidemment. J'envoie les filles dans les balcons avant pour scruter et repérer la perche IOR qui doit se voir de loin normalement. Vincent fini de ramasser le spi et les écoutes afin que rien ne traîne dans l'eau Des idées noires affluent dans ma tête; sait-il nager? A-t-il vu la perche et pris la bouée? Depuis combien de temps est-il à l'eau? Quelle distance avons nous parcourue pendant ce temps? La deuxième minute est passée, rien. La troisième passe, toujours rien, j'ai la langue toute sèche et la gorge serrée. A la cinquième minute je commence à ne plus y croire, il a du couler. On continue, mais jusqu'à quand? Peut-être qu'on est passé à côté sans le voir. On a dépassé la perche IOR et la bouée depuis un bon moment quand les filles ensemble se mettent à crier: Il est là, il est là, en montrant la mer quasiment entre les étraves. Je débraye et me précipite à l'avant pour voir si elles n'ont pas rêvé. Il est là, tout sourire, comme d'habitude. Les yeux embuées et les jambes tremblantes je retourne à la barre pour manœuvrer. Je fais faire un demi-tour et lui présente l'échelle de bain de la jupe bâbord; celle d'où il est parti. Maintenant qu'il est à bord, il ne rigole plus, il pleure. Moi aussi.

 

Conclusions:

  • Ne pas sous-estimer la force engendrée par un seau lorsque le bateau avance vite. Et surtout ne jamais mettre le bout autour du poignet: il est préférable de perdre un seau.

  • L'utilisation du pilote automatique a certainement permis de retourner sur notre route précisément et de retrouver notre camarade.

  • Apprenez au port à utiliser la fonction MOB(Man Over Bord), car ce n'est pas le bon moment pour lire la notice, lorsqu'il faut s'en servir.

  • La vie ne tient pas à grand chose: j'aurais dû aller me reposer et la relève de son quart était deux heures plus tard. Et là, ça aurait été une autre histoire.

  • Il est interdit de tomber à la mer.

 

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9 février 2010 2 09 /02 /février /2010 07:43
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22 décembre 2009 2 22 /12 /décembre /2009 05:34
File0004Annette est au mouillage dans le petit port de Mevagissey en Cornouaille anglaise. Nous sommes entrés hier après-midi en remorque avec un  pêcheur qui nous a trouvé devant les digues attendant un souffle d'air pour entrer. Annette est un voilier en acier de presque douze mètres naviguant uniquement à la force du vent et des bras. L'équipage est composé de six stagiaires, et moi comme skipper, instructeur. Ce matin nous allons lever l'ancre pour aller remonter la Helford River. Tout l'équipage est sur le pont paré à la manoeuvre qui s'avère assez complexe vu que le vent souffle assez fort ce matin dans le petit port de pêche toujours très encombré en été. Sur notre droite à une vingtaine de mètres la jetée, à gauche un bateau de pêche au mouillage aussi, la sortie est derrière. Nous envoyons la grand-voile avec 1 ris et le foc de route. Trois des équipiers amènent l'ancre à pic, on déborde la grand-voile à la main pour faire culer le bateau. Maintenant l'ancre a chassé, on fini de la remonter. Le foc claque dans le vent avec grand bruit, le bateau évite bâbord amures, droit vers la digue. On borde tout pour prendre un peu d'erre et je vire au ras des cailloux, sans choquer le foc qui prend à contre, la grand-voile est choquée en grand. Le bateau a fait demi-tour pratiquement dans sa longueur et la sortie est devant nous maintenant. Voiles en ciseaux nous sortons de ce charmant havre de paix. Le long de la jetée sud est amarré un garde-côte de Royale Navy d'une trentaine de mètres qui se prépare à prendre la mer lui aussi. Sitôt dehors nous envoyons le spi rouge et orange aux couleurs d'Annette. Nous avons parcouru environ un mille lorsque nous voyons le navire des garde-côtes venir droit sur nous en soulevant des gerbes d'écume avec son agressive étrave. Je me demande ce qu'il peut bien nous vouloir et peste déjà à l'idée d'un contrôle qui nous obligerait à affaler le spi puis la grand-voile montrer les papiers et subir d'autres tracasseries dont savent user les bateaux gris en général. Il est à présent très près de notre arrière et a sérieusement réduit sa vitesse. Le pacha a manoeuvré pour passer lentement sur notre bâbord à une dizaine de mètres. Tout le monde à bord est médusé par ce gros bateau qui nous longe de si près. Il a maintenant la même vitesse et c'est à ce moment que nous voyons l'équipage en tenue d'apparat se mettre en ligne sur le pont, tournés vers nous, trois doigts sur la tempe et chanter"Alouette, gentille alouette". Il a un pavillon tricolore hissé dans sa mâture.
A la fin de la chanson, il reprend de la vitesse, puis s'en va. Sciés.
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23 novembre 2009 1 23 /11 /novembre /2009 09:42


Si vous allez chez nos amis d'outre manche, méfiez vous; Il ya goéland et goéland. A Looe en Cornouaille ils sont différents.
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26 octobre 2009 1 26 /10 /octobre /2009 18:40

Juillet. Saison des pluies. Et surtout des orages. Nous attendons depuis 8 jours notre tour pour entrer dans le canal. Nuit et jour des navires entrent et sortent sans interruption.
Ce matin, nous attendons les équipiers et le pilote. Nous louons les services de deux équipiers qui embarquent avec leurs longues aussières(4) pour maintenir le bateau au milieu de la chambre pendant le remplissage, puis pour choquer à la demande lors de la descente vers le Pacifique.
6h30. Arrive sur nous un nuage de papillons. Il y en a des millions, à perte de vue. Le bateau en est couvert, ils sont très beaux; noir et vert, grands comme une petite  main. Le nuage défile pendant cinq minutes puis disparaît. Les équipiers arrivent avec leurs cordages, puis le pilote(obligatoire lui aussi).
Après avoir largué le coffre nous faisons route vers la première des trois chambres qui nous feront monter de 30 mètres dans le lac Gatun. Le pilote nous fait entrer derrière un tanker qui occupe presque toute la chambre en longueur comme en largeur. On les appelle les panamax: ils sont construits pour passer par le canal en occupant au mieux la place dans les chambres. Il nous reste une trentaine de mètres; nous sommes seuls car il n'y avait pas d'autre petit bateau à transiter aujourd'hui. Tant mieux. Avec les haussières nous nous plaçons au milieu des 33,53m de la largeur de l'écluse. Lorsque les quatre équipiers sont prêts à reprendre le mou, le pilote donnent le feu vert au poste de contrôle pour ouvrir les vannes de remplissage. L'eau se met à bouillonner et nous avons bien du mal à garder le bateau au milieu tout en récupérant les aussières au fur et à mesure que le niveau de l'eau monte. Heureusement les taquets sont solides car ça tire fort à cause des remous. La montée dure environ 15 minutes . Puis le calme revient. Le tanker qui est devant nous est amarré à des locomotives, les mules, qui vont l'aider à rester au centre pendant qu'il avance vers la chambre suivante. Lorsqu'il balance son hélice, une vague arrive sur nous et les amarres se tendent à se rompre: le salaud, pour lui on n'existe pas.
La même opération se répétera trois fois de suite pour arriver au niveau du lac Gatun. Là nous quittons provisoirement la route des cargos pour emprunter la coupe Banana, un raccourci permis au bateau de faible tirant d'eau.
Nous mettrons environ quatre heures pour atteindre la première écluse de la descente vers l'Océan Pacifique. L'écluse Pedro Miguel qui nous descend dans le lac du même nom. Là nous entrons les premiers, suivis par deux ou trois cargos de moyenne importance cette fois. Celui qui était avec nous à la montée est passé depuis longtemps; nous n'avons pas la
même vitesse.
C'est tout de même très effrayant de les voir arriver derrière et s'arrêter à quelques mètres du tableau .
Même chose pour le passage des écluses Miraflorès et la dernière porte s'ouvre en bouillonnant sur le Pacifique.
Un peu plus loin nous passons sous le Pont des Amériques. Pendant longtemps seul point de passage routier entre les Amériques  du nord et du sud. Une vedette vient récupérer le pilote.
Coût de la traversée 500$


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26 octobre 2009 1 26 /10 /octobre /2009 18:19

Voici le phare de la pointe Riberinha, la plus à l'est de l'île de Faial aux Açores.














Ou plutôt ce qu'il en reste après un tremblement de terre.

















 Voici son remplaçant:

















Franchement pas aussi efficace. Je ne l'ai pas vu en passant.
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5 octobre 2009 1 05 /10 /octobre /2009 23:57

Qu'as-tu fais petit bonhomme?

N'as-tu pas entendu la sirène? Tu déconnes.

Eh non, tu étais sûr de toi.

Les accidents n'arrivent qu'aux autres tu crois?

Maintenant, tu constates les dégâts,

Et regarde, si tu peux, loin devant toi.

Tu ne vois rien. Purée de pois.

Il te reste la vie et tes envies,

Si tu veux les réaliser mets-y le prix.

Jamais plus tu ne seras comme les autres,

Mais est-ce vraiment là une grosse faute?

Les autres.

Ils ne savent pas ta souffrance.

Et le pire.

La haine et l'indifférence

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5 octobre 2009 1 05 /10 /octobre /2009 23:35

 

 

 

L'histoire de l'homme qui buvait bien.

 

 

Fernand Piton seréveille, il a mal au crâne et envie de dégueuler.

Il a trop bu et trop fumé hier soir.

Le soleil brille déjà beaucoup. Trop.

Péniblement il soulève la tête pour voir son réveil.

Déjà cette heure là.

-Qu'est-ce que je vais foutre aujourd'hui?se dit-il. Sa situation précaire lui retombe sur la tête après ces quelques heures d'ivresse.

-Il faut que je trouve du boulot. Fait chier.

Bon, il se lève.

Il rampe dans ses fringues qui puent le tabac.

Il se lavera demain.

Fernand avale un café réchauffé et rien d'autre.

Il a failli le rendre en toussant.

A qui?

Il est seul. Elle s'est barré.

Y a de la vaisselle sale et des bouteilles vides partout.

Il préfère se tirer de là, c'est trop déprimant.

Comme c'est l'heure de l'apèro, il va plus ou moins droit au bistrot du coin.

Les copains sont là.

Le patron, la banane jusqu'aux oreilles lui dit :-­ C'que tu bois?

-Un demi.

A peine déposé sur le carton baveux il le chope par la poignée et avale la moitié à la première gorgée.

Ça va mieux.

-Putain! t'en tenais une bonne hier soir qu'il lui dit, le patron en essuyant un verre.

Reproche ou compliment?

Plutôt un compliment vu le fric qu'il lui a laissé.

D'ailleurs, à propos de fric, il faut qu'il aille à l'a.n.p.e.

-L'a.n.p.e. Pourquoi foutre?qu'il se dit. Je trouverais rien de valable comme d'habitude. Puis c'est barbant à lire leurs annonces.

-Un autre demi s'il te plaît.

Ouaiiiiiiis! ça va déjà beaucoup mieux.

Il s'adresse à son pote qui était là bien avant lui ce matin:

-T'as trouvé du boulot toi.

-Non.

-Moi non plus. Je comprends pas. Je suis un mec bien pourtant qu'il se dit tout bas.

 

Quelques années plus tard.

 

Fernand Piton n'était pas revenu dans le coin depuis huit ans. Il était en voyage.

Lorsqu'il entre dans le bistrot, il ne reconnait plus personne. A part le patron qui a pris du bide et des rides.

Il commande un demi et le sirote tout en regardant autour de lui comme un touriste.

Finalement au bout d'un moment des têtes lui rappellent quelque chose.

Mais oui! C'est lui Boissec et son collègue Lafumée. Nom de Dieu ils ont reçu.

Le premier a un gros nez rouge boutonneux et les pommettes couperosées, le cheveu terne.

L'autre n'a presque plus de dents .Sa peau est grise.

Il s'approche pour les saluer.

Surpris et étonné Boissec lui dit;

-Tiens!Mais c'est toi qui est là. Comment c'est?Tu bois un coup?

-Oui, bien sûr, un demi.

Lorsque le patron dépose le verre couvert de buée devant lui, il le regarde de travers en se demandant si c'est lui le coupable.

Le verre pas le patron.

Le boit quand même.

Il allume une cigarette et les écoute parler de la pluie et du beau temps.

Après avoir commenté les prévisions du journal pour aujourd'hui, on suppute sur les jours prochains, puis les semaines, les mois...et même plus.

Suit une page blanche où on regarde qui son verre qui le plafond ou par la fenêtre embuée.

- Je crois qu'ils cherchent un sujet pour la conversation se dit Fernand.

Finalement c'est Boissec qui trouve avec l'émission d'hier soir à la télé sur la une.

Là, c'est trop, il paie la tournée à venir et se casse sous les remerciements.

Quelques enjambées plus tard, il gravit les deux marches du bar suivant.

Là, l'ambiance est carrément morbide. Deux mecs sont appuyés au zinc et d'un œil morne fixent le fond de leur verre.

Fernand commande et boit, en silence de peur d'interrompre leur méditation.

Un ange passe suivit d'une mouche.

Le plus vieux des deux dit:-C'est vraiment bête de mourir comme ça.

L'autre:-C'était pourtant un bon patron, et un chic type.

-Tomber dans le port pour un verre de trop, c'est bête, si jeune.

-Surtout à marée basse.

-Dans les cailloux.

Fernand connaissait bien le marin dont on parlait ce jour là. C'était un ami et il eut beaucoup de peine d'apprendre son décès, surtout en de telles circonstances.

Sans rien dire il finit son verre et sort du bistrot avec empressement.

Le ciel est uniformément gris maintenant et le vent souffle en rafales glacées.

La tête lui tourne et il décide d'aller s'asseoir sur un banc au bord du quai.

Mouettes et goélands s'éclatent dans le vent en poussant des cris stridents.

Les plus fatigués sont posés sur l'eau et dérivent dans le port.

Fernand n'a pas le moral ce matin. Ça fait déjà le troisième de ses copains qui est tué par la boisson.

Soit par accident ou par maladie.

Lui-même ne se sent pas en très grande forme et il a du mal a respirer le bon air du large à cause des trente cigarettes qu'il fume quotidiennement. Le courage lui manque pour travailler. Et en fait il n'a le goût à rien. La tournée des bistrots ne lui fait rencontrer que des gens comme lui qui boivent beaucoup et ne lui apportent rien de bon. Le temps( précieux) passe en bavardages stériles et il a bientôt cinquante ans.

Il restera longtemps assis là, songeur, à regarder les oiseaux vivre avec le vent. Joueurs.

C'est lorsqu'il commence à grelotter qu'il décide de se lever et rejoindre le café le plus proche.

Le reste de la journée se passera à peu près comme d'habitude, entre bières, cigarettes et bavardages inutiles. A la fermeture des bistrots, il rentre chez lui en s'appuyant aux murs des maisons de sa ruelle. L'escalier de bois qui monte à sa piaule est plus raide que l'Himalaya. Plusieurs camps seront établis avant d'arriver au sommet. Au lieu de lever les bras en vainqueur, c'est sur la cuvette des chiottes qu'il pose ses deux mains. Lorsqu'il se relève, il va vers le lavabo et se regarde dans le miroir, un filet de bave au coin de la lèvre...

-T'as vu ta tête qu'il se dit tout haut. Tu commence à ressembler à un pochtron. Mon p'tit gars il est temps d'arrêter. D'ailleurs, tu es un pochtron.

Puis Fernand va se coucher. Ce fut une nuit terrible, avec des sueurs froides, des tremblements, des angoisses. Il entend des trompettes et voit des éclairs, des dragons. Il se dit que ça doit être ça voir des rats bleus. Vraiment il faut qu'il arrête de boire.

Mais comment faire? Il faut que je me motive se dit Fernand.

Si je continue, je vais devenir moche et plus une femme n'aura besoin de moi, déjà que maintenant.... Je finirais ma vie tout seul comme un con. Je risque aussi de tomber malade et même d'en crever. Et surtout je risque de devenir complètement abruti comme la plupart de ceux que je rencontre tous les jours au bistrot. Déjà que je n'ai plus mon permis de conduire. Pour trouver du travail ça n'aide pas. Il ne faut plus que j'aille dans les bars. D'accord, mais je ne verrais plus personne. Je n'aurais plus de copains. Mais sont-ils vraiment des copains ceux qui me payent des coups et m'entraînent à boire avec eux? Pas si sûr. Cette nuit là Fernand ne dormi pas beaucoup. Il sentait que sa vie allait changer, devait changer. Il savait que ce ne serait pas facile car personne ne l'aiderait. Personne ne pouvait l'aider. Personne dans ses relations habituelles ne voudrait l'aider. Il faudra changer de relations. C'est indispensable.

 

Le réveil

 

 

Lorsqu'il décide de se lever, Fernand n'a pas l'impression d'avoir dormi. Il ne se sent pas en très grande forme. Mal à la tête, l'estomac barbouillé et du mal à respirer, probablement à cause des deux paquets de clopes qu'il a grillé dans la journée d'hier. Il reste assit sur son lit la tête coincée entre les mains, les coudes sur les genoux.

Machinalement il prend son paquet presque neuf sur la table de chevet et sort une blonde qu'il coince entre ses lèvres. Au moment où la flamme du briquet va enflammer le tabac ses pensées de la nuit lui reviennent en flash; si je décide d'arrêter de boire pour retrouver la santé et la forme, il faut aussi que j'arrête de fumer. L'ampleur du défi lui paraît un instant insurmontable. Puis la flamme du briquet diminue et s'éteint. Il se lève brutalement et d'un pas énergique va jusqu'à la poubelle de la cuisine, soulève le couvercle et y jette son briquet, sa cigarette et aussi le paquet entamé presque neuf.

-Voilà, se dit-il tout fort, c'est un premier pas. Assez facile. Pour l'instant.

Et maintenant que vais-je faire? Il faut que je me fixe un objectif, un but et mette tout en œuvre pour y parvenir. Pour l'instant je ne vois pas lequel, mais j'ai l'esprit embrouillé par des années de picole. Je dois d'abord apprendre à vivre sans boire ni fumer; c'est pas gagné. Fernand se dit que c'est maintenant le moment le plus important. Il ne faut pas craquer, et dire juste un petit verre en mangeant, ou une seule cigarette après, serait une belle connerie.

-Je vais commencer par un bon petit déjeuner histoire de changer quelque chose.

L'odeur du café frais envahi la cuisine et il apprécie ce moment devenu rare. Bien qu'il n'ai pas très faim il se force à manger une petite tartine de pain grillé et beurré.

Quand il a fini son café, le réflexe cigarette le tourmente de nouveau. C'est là qu'il se dit:

-Au fond, à quoi ça sert de fumer. A rien si on réfléchit bien. On allume son petit bâton de tabac roulé dans du papier et pouf-pouf on fait un petit nuage, au passage on encrasse ses poumons et on pourri l'atmosphère de ceux qui ne fument pas. Ridicule. De plus ça coûte très cher, surtout à ceux, comme moi, qui n'ont pas de travail. Et est-ce que j'y trouve un plaisir à la hauteur de l'investissement et de la contrainte?

--Voilà enfin une bonne question.

Franchement non. Si c'est juste pour faire comme les autres c'est très con. Je n'irais pas dans la poubelle chercher une clope.

Cette première journée sans tabac ni alcool serait dure, il le savait car il avait déjà essayé il y a très longtemps. Il avait tenu trois mois pas plus. La volonté et la motivation lui avaient manqué, et tous ses copains l'invitaient à boire. Sacrés copains!

Cette fois-ci je tiendrais le coup se dit-il, car cette façon de vivre ne m'apporte plus rien et je ruine ma santé physique et mentale. Les deux premiers jours furent assez faciles, la semaine suivante plutôt dure mentalement car le manque se faisait sentir et il avait du mal à trouver le sommeil. Fernand se remit à lire, chose qu'il ne faisait plus depuis longtemps. Mais c'était assez difficile de se concentrer sur un bouquin. Comme il ne dépensait plus d'argent dans les bars il pouvait se payer toutes les revues qui lui plaisaient. Il s'inscrit aussi à la bibliothèque municipale où il passait des heures à feuilleter et choisir des livres. Souvent il allait au bord de la mer . Il aimait rester assis et contempler l'horizon au delà duquel il avait si souvent voyagé. Il se souvenait avoir voulu connaître ce qu'il y avait après l'horizon et il avait tout fait pour y arriver; car il croyait que c'était mieux qu'ici. Bien des années plus tard, après avoir parcouru des centaines de milliers de milles et vu d'autres pays et d'autres continents il su que seul le décor changeait. Heureusement, comme il aimait la nature il avait pu admirer d'autres paysages. C'est la mer qui lui avait apporté le plus d'émotions et d'images, autant dessus que dessous. Il décida d'arrêter de voyager quand il su que ce après quoi il courrait n'existait pas. Peut-être buvait-t-il pour la même raison? Lorsqu'il repensait aux conversations des copains de bistrot, il s'apercevait que tous rêvaient d'un avenir doré qu'aucun n'atteindra probablement jamais. Pas de cette façon là en tous cas. 

Pendant quelques jours Fernand Piton ne fit rien d'autre que réfléchir à sa nouvelle vie. Ses idées se faisaient plus claires et il sentait remonter en lui une énergie depuis longtemps disparue.

Ce matin, Fernand se lève en grande forme et tout en déjeunant copieusement il repense aux jours anciens où il se levait avec le mal de tête et l'estomac barbouillé sans parler des angoisses qui le minaient. Sa vie est quand même plus agréable maintenant. Il pense revoir sa dernière copine qui l'aimait tant mais qui est partie parce qu'il était toujours bourré. Il décide aussi de récupérer son permis, permis un soir de cuite. Il aurait pu le faire depuis longtemps, mais la flemme, la crainte de la visite médicale et le manque d'argent l'avait fait repousser cette démarche aux calendes grecques. Il se dit en se regardant dans le miroir de son cabinet de toilette qu'un petit tour chez le coiffeur ne lui ferait pas de mal. Une certaine excitation s'empare de lui à l'idée de cette métamorphose. Peut-être ira-t-il jusqu'à s'acheter de nouvelles fringues. Tous ces projets le stimulent et lui donnent un but pour les jours à venir.

Puis, la mer devint plus bleue, le parfum de la campagne plus fort dans ses narines et le chant des oiseaux une mélodie dont il ne se lassait. La nuit, si parfois il ne trouvait pas le sommeil, ce qui devenait rare, il s'allongeait dans l'herbe et contemplait le ciel qui fut son guide autrefois sur les océans avec ses étoiles et ses planètes pour tous repaires.

Vénus, Jupiter, Mars et Saturne, les belles planètes, fortes et généreuses.

Véga à la pointe de la lyre, Antarès l'œil du Taureau, Sirius la médaille du grand chien, Castor et Pollux les Gémaux et bien d'autres colorées, fixes ou scintillantes mais toujours belles.

Sans oublier la Lune changeante et cachottière.

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