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5 octobre 2009 1 05 /10 /octobre /2009 23:35

 

 

 

L'histoire de l'homme qui buvait bien.

 

 

Fernand Piton seréveille, il a mal au crâne et envie de dégueuler.

Il a trop bu et trop fumé hier soir.

Le soleil brille déjà beaucoup. Trop.

Péniblement il soulève la tête pour voir son réveil.

Déjà cette heure là.

-Qu'est-ce que je vais foutre aujourd'hui?se dit-il. Sa situation précaire lui retombe sur la tête après ces quelques heures d'ivresse.

-Il faut que je trouve du boulot. Fait chier.

Bon, il se lève.

Il rampe dans ses fringues qui puent le tabac.

Il se lavera demain.

Fernand avale un café réchauffé et rien d'autre.

Il a failli le rendre en toussant.

A qui?

Il est seul. Elle s'est barré.

Y a de la vaisselle sale et des bouteilles vides partout.

Il préfère se tirer de là, c'est trop déprimant.

Comme c'est l'heure de l'apèro, il va plus ou moins droit au bistrot du coin.

Les copains sont là.

Le patron, la banane jusqu'aux oreilles lui dit :-­ C'que tu bois?

-Un demi.

A peine déposé sur le carton baveux il le chope par la poignée et avale la moitié à la première gorgée.

Ça va mieux.

-Putain! t'en tenais une bonne hier soir qu'il lui dit, le patron en essuyant un verre.

Reproche ou compliment?

Plutôt un compliment vu le fric qu'il lui a laissé.

D'ailleurs, à propos de fric, il faut qu'il aille à l'a.n.p.e.

-L'a.n.p.e. Pourquoi foutre?qu'il se dit. Je trouverais rien de valable comme d'habitude. Puis c'est barbant à lire leurs annonces.

-Un autre demi s'il te plaît.

Ouaiiiiiiis! ça va déjà beaucoup mieux.

Il s'adresse à son pote qui était là bien avant lui ce matin:

-T'as trouvé du boulot toi.

-Non.

-Moi non plus. Je comprends pas. Je suis un mec bien pourtant qu'il se dit tout bas.

 

Quelques années plus tard.

 

Fernand Piton n'était pas revenu dans le coin depuis huit ans. Il était en voyage.

Lorsqu'il entre dans le bistrot, il ne reconnait plus personne. A part le patron qui a pris du bide et des rides.

Il commande un demi et le sirote tout en regardant autour de lui comme un touriste.

Finalement au bout d'un moment des têtes lui rappellent quelque chose.

Mais oui! C'est lui Boissec et son collègue Lafumée. Nom de Dieu ils ont reçu.

Le premier a un gros nez rouge boutonneux et les pommettes couperosées, le cheveu terne.

L'autre n'a presque plus de dents .Sa peau est grise.

Il s'approche pour les saluer.

Surpris et étonné Boissec lui dit;

-Tiens!Mais c'est toi qui est là. Comment c'est?Tu bois un coup?

-Oui, bien sûr, un demi.

Lorsque le patron dépose le verre couvert de buée devant lui, il le regarde de travers en se demandant si c'est lui le coupable.

Le verre pas le patron.

Le boit quand même.

Il allume une cigarette et les écoute parler de la pluie et du beau temps.

Après avoir commenté les prévisions du journal pour aujourd'hui, on suppute sur les jours prochains, puis les semaines, les mois...et même plus.

Suit une page blanche où on regarde qui son verre qui le plafond ou par la fenêtre embuée.

- Je crois qu'ils cherchent un sujet pour la conversation se dit Fernand.

Finalement c'est Boissec qui trouve avec l'émission d'hier soir à la télé sur la une.

Là, c'est trop, il paie la tournée à venir et se casse sous les remerciements.

Quelques enjambées plus tard, il gravit les deux marches du bar suivant.

Là, l'ambiance est carrément morbide. Deux mecs sont appuyés au zinc et d'un œil morne fixent le fond de leur verre.

Fernand commande et boit, en silence de peur d'interrompre leur méditation.

Un ange passe suivit d'une mouche.

Le plus vieux des deux dit:-C'est vraiment bête de mourir comme ça.

L'autre:-C'était pourtant un bon patron, et un chic type.

-Tomber dans le port pour un verre de trop, c'est bête, si jeune.

-Surtout à marée basse.

-Dans les cailloux.

Fernand connaissait bien le marin dont on parlait ce jour là. C'était un ami et il eut beaucoup de peine d'apprendre son décès, surtout en de telles circonstances.

Sans rien dire il finit son verre et sort du bistrot avec empressement.

Le ciel est uniformément gris maintenant et le vent souffle en rafales glacées.

La tête lui tourne et il décide d'aller s'asseoir sur un banc au bord du quai.

Mouettes et goélands s'éclatent dans le vent en poussant des cris stridents.

Les plus fatigués sont posés sur l'eau et dérivent dans le port.

Fernand n'a pas le moral ce matin. Ça fait déjà le troisième de ses copains qui est tué par la boisson.

Soit par accident ou par maladie.

Lui-même ne se sent pas en très grande forme et il a du mal a respirer le bon air du large à cause des trente cigarettes qu'il fume quotidiennement. Le courage lui manque pour travailler. Et en fait il n'a le goût à rien. La tournée des bistrots ne lui fait rencontrer que des gens comme lui qui boivent beaucoup et ne lui apportent rien de bon. Le temps( précieux) passe en bavardages stériles et il a bientôt cinquante ans.

Il restera longtemps assis là, songeur, à regarder les oiseaux vivre avec le vent. Joueurs.

C'est lorsqu'il commence à grelotter qu'il décide de se lever et rejoindre le café le plus proche.

Le reste de la journée se passera à peu près comme d'habitude, entre bières, cigarettes et bavardages inutiles. A la fermeture des bistrots, il rentre chez lui en s'appuyant aux murs des maisons de sa ruelle. L'escalier de bois qui monte à sa piaule est plus raide que l'Himalaya. Plusieurs camps seront établis avant d'arriver au sommet. Au lieu de lever les bras en vainqueur, c'est sur la cuvette des chiottes qu'il pose ses deux mains. Lorsqu'il se relève, il va vers le lavabo et se regarde dans le miroir, un filet de bave au coin de la lèvre...

-T'as vu ta tête qu'il se dit tout haut. Tu commence à ressembler à un pochtron. Mon p'tit gars il est temps d'arrêter. D'ailleurs, tu es un pochtron.

Puis Fernand va se coucher. Ce fut une nuit terrible, avec des sueurs froides, des tremblements, des angoisses. Il entend des trompettes et voit des éclairs, des dragons. Il se dit que ça doit être ça voir des rats bleus. Vraiment il faut qu'il arrête de boire.

Mais comment faire? Il faut que je me motive se dit Fernand.

Si je continue, je vais devenir moche et plus une femme n'aura besoin de moi, déjà que maintenant.... Je finirais ma vie tout seul comme un con. Je risque aussi de tomber malade et même d'en crever. Et surtout je risque de devenir complètement abruti comme la plupart de ceux que je rencontre tous les jours au bistrot. Déjà que je n'ai plus mon permis de conduire. Pour trouver du travail ça n'aide pas. Il ne faut plus que j'aille dans les bars. D'accord, mais je ne verrais plus personne. Je n'aurais plus de copains. Mais sont-ils vraiment des copains ceux qui me payent des coups et m'entraînent à boire avec eux? Pas si sûr. Cette nuit là Fernand ne dormi pas beaucoup. Il sentait que sa vie allait changer, devait changer. Il savait que ce ne serait pas facile car personne ne l'aiderait. Personne ne pouvait l'aider. Personne dans ses relations habituelles ne voudrait l'aider. Il faudra changer de relations. C'est indispensable.

 

Le réveil

 

 

Lorsqu'il décide de se lever, Fernand n'a pas l'impression d'avoir dormi. Il ne se sent pas en très grande forme. Mal à la tête, l'estomac barbouillé et du mal à respirer, probablement à cause des deux paquets de clopes qu'il a grillé dans la journée d'hier. Il reste assit sur son lit la tête coincée entre les mains, les coudes sur les genoux.

Machinalement il prend son paquet presque neuf sur la table de chevet et sort une blonde qu'il coince entre ses lèvres. Au moment où la flamme du briquet va enflammer le tabac ses pensées de la nuit lui reviennent en flash; si je décide d'arrêter de boire pour retrouver la santé et la forme, il faut aussi que j'arrête de fumer. L'ampleur du défi lui paraît un instant insurmontable. Puis la flamme du briquet diminue et s'éteint. Il se lève brutalement et d'un pas énergique va jusqu'à la poubelle de la cuisine, soulève le couvercle et y jette son briquet, sa cigarette et aussi le paquet entamé presque neuf.

-Voilà, se dit-il tout fort, c'est un premier pas. Assez facile. Pour l'instant.

Et maintenant que vais-je faire? Il faut que je me fixe un objectif, un but et mette tout en œuvre pour y parvenir. Pour l'instant je ne vois pas lequel, mais j'ai l'esprit embrouillé par des années de picole. Je dois d'abord apprendre à vivre sans boire ni fumer; c'est pas gagné. Fernand se dit que c'est maintenant le moment le plus important. Il ne faut pas craquer, et dire juste un petit verre en mangeant, ou une seule cigarette après, serait une belle connerie.

-Je vais commencer par un bon petit déjeuner histoire de changer quelque chose.

L'odeur du café frais envahi la cuisine et il apprécie ce moment devenu rare. Bien qu'il n'ai pas très faim il se force à manger une petite tartine de pain grillé et beurré.

Quand il a fini son café, le réflexe cigarette le tourmente de nouveau. C'est là qu'il se dit:

-Au fond, à quoi ça sert de fumer. A rien si on réfléchit bien. On allume son petit bâton de tabac roulé dans du papier et pouf-pouf on fait un petit nuage, au passage on encrasse ses poumons et on pourri l'atmosphère de ceux qui ne fument pas. Ridicule. De plus ça coûte très cher, surtout à ceux, comme moi, qui n'ont pas de travail. Et est-ce que j'y trouve un plaisir à la hauteur de l'investissement et de la contrainte?

--Voilà enfin une bonne question.

Franchement non. Si c'est juste pour faire comme les autres c'est très con. Je n'irais pas dans la poubelle chercher une clope.

Cette première journée sans tabac ni alcool serait dure, il le savait car il avait déjà essayé il y a très longtemps. Il avait tenu trois mois pas plus. La volonté et la motivation lui avaient manqué, et tous ses copains l'invitaient à boire. Sacrés copains!

Cette fois-ci je tiendrais le coup se dit-il, car cette façon de vivre ne m'apporte plus rien et je ruine ma santé physique et mentale. Les deux premiers jours furent assez faciles, la semaine suivante plutôt dure mentalement car le manque se faisait sentir et il avait du mal à trouver le sommeil. Fernand se remit à lire, chose qu'il ne faisait plus depuis longtemps. Mais c'était assez difficile de se concentrer sur un bouquin. Comme il ne dépensait plus d'argent dans les bars il pouvait se payer toutes les revues qui lui plaisaient. Il s'inscrit aussi à la bibliothèque municipale où il passait des heures à feuilleter et choisir des livres. Souvent il allait au bord de la mer . Il aimait rester assis et contempler l'horizon au delà duquel il avait si souvent voyagé. Il se souvenait avoir voulu connaître ce qu'il y avait après l'horizon et il avait tout fait pour y arriver; car il croyait que c'était mieux qu'ici. Bien des années plus tard, après avoir parcouru des centaines de milliers de milles et vu d'autres pays et d'autres continents il su que seul le décor changeait. Heureusement, comme il aimait la nature il avait pu admirer d'autres paysages. C'est la mer qui lui avait apporté le plus d'émotions et d'images, autant dessus que dessous. Il décida d'arrêter de voyager quand il su que ce après quoi il courrait n'existait pas. Peut-être buvait-t-il pour la même raison? Lorsqu'il repensait aux conversations des copains de bistrot, il s'apercevait que tous rêvaient d'un avenir doré qu'aucun n'atteindra probablement jamais. Pas de cette façon là en tous cas. 

Pendant quelques jours Fernand Piton ne fit rien d'autre que réfléchir à sa nouvelle vie. Ses idées se faisaient plus claires et il sentait remonter en lui une énergie depuis longtemps disparue.

Ce matin, Fernand se lève en grande forme et tout en déjeunant copieusement il repense aux jours anciens où il se levait avec le mal de tête et l'estomac barbouillé sans parler des angoisses qui le minaient. Sa vie est quand même plus agréable maintenant. Il pense revoir sa dernière copine qui l'aimait tant mais qui est partie parce qu'il était toujours bourré. Il décide aussi de récupérer son permis, permis un soir de cuite. Il aurait pu le faire depuis longtemps, mais la flemme, la crainte de la visite médicale et le manque d'argent l'avait fait repousser cette démarche aux calendes grecques. Il se dit en se regardant dans le miroir de son cabinet de toilette qu'un petit tour chez le coiffeur ne lui ferait pas de mal. Une certaine excitation s'empare de lui à l'idée de cette métamorphose. Peut-être ira-t-il jusqu'à s'acheter de nouvelles fringues. Tous ces projets le stimulent et lui donnent un but pour les jours à venir.

Puis, la mer devint plus bleue, le parfum de la campagne plus fort dans ses narines et le chant des oiseaux une mélodie dont il ne se lassait. La nuit, si parfois il ne trouvait pas le sommeil, ce qui devenait rare, il s'allongeait dans l'herbe et contemplait le ciel qui fut son guide autrefois sur les océans avec ses étoiles et ses planètes pour tous repaires.

Vénus, Jupiter, Mars et Saturne, les belles planètes, fortes et généreuses.

Véga à la pointe de la lyre, Antarès l'œil du Taureau, Sirius la médaille du grand chien, Castor et Pollux les Gémaux et bien d'autres colorées, fixes ou scintillantes mais toujours belles.

Sans oublier la Lune changeante et cachottière.

.

 

 

 

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