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12 février 2010 5 12 /02 /février /2010 18:51

imagesUn homme à la mer

 

         L'histoire que je vais vous raconter est arrivée il y a quelques années au cours d'un convoyage vers les Antilles. Je devais livrer à Pointe à Pitre un catamaran « Privilège 48 » tout neuf construit au Sables d'Olonne pour le compte d'une société de location de bateau et de charter. L'équipage cette fois là était composé de Vincent qui était mon matelot à la pêche et sa fiancée la blonde Buster. Avec Vincent nous avions déjà convoyé un monocoque de treize mètres pour la même entreprise et sur le même trajet(Feeling446). Il y avait Thierry, un copain de Douarnenez avec des moustaches de phoques et l'œil rigolard. Yves, le père de ma fiancée, charpentier de marine en retraite qui n'avait jamais été en mer. Puis Christine sa fille qui est aujourd'hui ma douce et tendre moitié et qui faisait sa deuxième traversée de l'Atlantique en Privilège.

Voici une semaine que nous avons quitté Funchal à Madère et le rythme du bord est bien établi. L'alizé est installé au nord-est et souffle régulier entre 15 et 20 nœuds avec de temps en temps quelques rafales au passage de nuages porteurs d'averses. La mer est belle avec des creux de un mètre cinquante à deux mètres par moment. Le pilote automatique tient la barre depuis le départ et nous allons bon train sous spi asymétrique entre 10 et 13 nœuds. Quelques paille-en-queues d'un blanc immaculé tournent autour de nous en piaillant. Ils semblent vouloir se poser en tête de mât; ce qui est mission impossible dans une telle mer.

Mon quart se termine avec le lever du soleil suivi quelques minutes plus tard par Thierry qui doit prendre la relève. Pendant qu'il prend son petit déjeuner, je fais le tour du pont dans l'espoir de ramasser quelques poissons volants atterris là au cours de leurs vols de nuit malchanceux. Les plus jolis seront mangés frits ou marinés au citron,délicieux. Nous mangeons souvent du poisson; grâce au deux lignes à la traîne depuis le départ pendant la journée, thons et dorades coryphènes sont souvent au menu. Pour l'instant, elle ne sont pas encore à l'eau. Lorsqu'il me rejoint dans le cockpit, Thierry me fait remarqué que le pont est vraiment sale, cendres de cigarettes et autres miettes éparpillées par les personnes de quart durant la nuit, et qu'il serait bon de le nettoyer en y balançant quelques seaux d'eau. Je descend donc dans la jupe du flotteur bâbord, et bien accroché à la main courante, je puise des seaux d'eau dans l'océan que je lui passe pour qu'il nettoie le pont; à dix nœuds puiser des seaux d'eau de mer demande quelques précautions. Maintenant que c'est à peu près propre, je pense aller me coucher. Arrivé dans la coursive qui mène à notre cabine, je me souviens que j'ai oublié de mettre les lignes à la traîne comme tous les jours. Donc, demi-tour et je remonte dans le cockpit. Thierry est descendu dans la jupe avec un seau qu'il balance dans le sillage d'un geste large et décidé. Le résultat est immédiat ; le choc provoqué par le bout du seau soigneusement enroulé autour de son poignet le fait plonger dans la grande bleue. Toutes sortes de noms d'oiseaux me viennent à l'esprit. L'instant est grave, il va falloir faire vite. Je me jette au poste de barre pour enfoncer la touche MOB du pilote. La bouée fer à cheval et sa perche IOR son juste à côté je les jette à l'eau après les avoir libéré de leurs liens plus ou moins embrouillés. En regardant derrière et je ne vois rien, plus de Thierry, nous sommes sous spi à plus de dix nœuds. Mes hurlements ont réussi à réveiller Vincent qui arrive sur le pont en se demandant ce qui peut bien se passer. Pour tout réponse je lui crie; »Vite, affales le spi. . J'ai déjà choqué le bras en grand et la toile claque furieusement dans l'alizé. Pendant qu'il se suspend à la chaussette, je mets en route les moteurs.

Sur le cadran du pilote, le cap est affiché; 245. Il me faut retrancher 180 pour faire le cap inverse. J'ai pas envie de faire des additions ou des soustractions à ce moment là. Mais il le faut: 0 ôté de 5 =5, 8 ôté de 14=6, donc 65. La barre à droite toute, lorsque je vois 65 sur le cadran du pilote, je le rebranche; il barrera mieux que moi qui scrute la mer dans l'espoir de revoir mon pote. Ce branle bas de combat à fait sortir les filles de leur sommeil douillet et elles arrivent sur le pont où l'ambiance fait pressentir un drame. Les manettes de gaz sont dans le coin et le bateau remonte dans le vent en faisant des bonds de cabri dans le haut des vagues. Ça fait une minute maintenant qu'on a fait demi-tour et toujours rien, évidemment. J'envoie les filles dans les balcons avant pour scruter et repérer la perche IOR qui doit se voir de loin normalement. Vincent fini de ramasser le spi et les écoutes afin que rien ne traîne dans l'eau Des idées noires affluent dans ma tête; sait-il nager? A-t-il vu la perche et pris la bouée? Depuis combien de temps est-il à l'eau? Quelle distance avons nous parcourue pendant ce temps? La deuxième minute est passée, rien. La troisième passe, toujours rien, j'ai la langue toute sèche et la gorge serrée. A la cinquième minute je commence à ne plus y croire, il a du couler. On continue, mais jusqu'à quand? Peut-être qu'on est passé à côté sans le voir. On a dépassé la perche IOR et la bouée depuis un bon moment quand les filles ensemble se mettent à crier: Il est là, il est là, en montrant la mer quasiment entre les étraves. Je débraye et me précipite à l'avant pour voir si elles n'ont pas rêvé. Il est là, tout sourire, comme d'habitude. Les yeux embuées et les jambes tremblantes je retourne à la barre pour manœuvrer. Je fais faire un demi-tour et lui présente l'échelle de bain de la jupe bâbord; celle d'où il est parti. Maintenant qu'il est à bord, il ne rigole plus, il pleure. Moi aussi.

 

Conclusions:

  • Ne pas sous-estimer la force engendrée par un seau lorsque le bateau avance vite. Et surtout ne jamais mettre le bout autour du poignet: il est préférable de perdre un seau.

  • L'utilisation du pilote automatique a certainement permis de retourner sur notre route précisément et de retrouver notre camarade.

  • Apprenez au port à utiliser la fonction MOB(Man Over Bord), car ce n'est pas le bon moment pour lire la notice, lorsqu'il faut s'en servir.

  • La vie ne tient pas à grand chose: j'aurais dû aller me reposer et la relève de son quart était deux heures plus tard. Et là, ça aurait été une autre histoire.

  • Il est interdit de tomber à la mer.

 

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9 février 2010 2 09 /02 /février /2010 07:43
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26 octobre 2009 1 26 /10 /octobre /2009 18:40

Juillet. Saison des pluies. Et surtout des orages. Nous attendons depuis 8 jours notre tour pour entrer dans le canal. Nuit et jour des navires entrent et sortent sans interruption.
Ce matin, nous attendons les équipiers et le pilote. Nous louons les services de deux équipiers qui embarquent avec leurs longues aussières(4) pour maintenir le bateau au milieu de la chambre pendant le remplissage, puis pour choquer à la demande lors de la descente vers le Pacifique.
6h30. Arrive sur nous un nuage de papillons. Il y en a des millions, à perte de vue. Le bateau en est couvert, ils sont très beaux; noir et vert, grands comme une petite  main. Le nuage défile pendant cinq minutes puis disparaît. Les équipiers arrivent avec leurs cordages, puis le pilote(obligatoire lui aussi).
Après avoir largué le coffre nous faisons route vers la première des trois chambres qui nous feront monter de 30 mètres dans le lac Gatun. Le pilote nous fait entrer derrière un tanker qui occupe presque toute la chambre en longueur comme en largeur. On les appelle les panamax: ils sont construits pour passer par le canal en occupant au mieux la place dans les chambres. Il nous reste une trentaine de mètres; nous sommes seuls car il n'y avait pas d'autre petit bateau à transiter aujourd'hui. Tant mieux. Avec les haussières nous nous plaçons au milieu des 33,53m de la largeur de l'écluse. Lorsque les quatre équipiers sont prêts à reprendre le mou, le pilote donnent le feu vert au poste de contrôle pour ouvrir les vannes de remplissage. L'eau se met à bouillonner et nous avons bien du mal à garder le bateau au milieu tout en récupérant les aussières au fur et à mesure que le niveau de l'eau monte. Heureusement les taquets sont solides car ça tire fort à cause des remous. La montée dure environ 15 minutes . Puis le calme revient. Le tanker qui est devant nous est amarré à des locomotives, les mules, qui vont l'aider à rester au centre pendant qu'il avance vers la chambre suivante. Lorsqu'il balance son hélice, une vague arrive sur nous et les amarres se tendent à se rompre: le salaud, pour lui on n'existe pas.
La même opération se répétera trois fois de suite pour arriver au niveau du lac Gatun. Là nous quittons provisoirement la route des cargos pour emprunter la coupe Banana, un raccourci permis au bateau de faible tirant d'eau.
Nous mettrons environ quatre heures pour atteindre la première écluse de la descente vers l'Océan Pacifique. L'écluse Pedro Miguel qui nous descend dans le lac du même nom. Là nous entrons les premiers, suivis par deux ou trois cargos de moyenne importance cette fois. Celui qui était avec nous à la montée est passé depuis longtemps; nous n'avons pas la
même vitesse.
C'est tout de même très effrayant de les voir arriver derrière et s'arrêter à quelques mètres du tableau .
Même chose pour le passage des écluses Miraflorès et la dernière porte s'ouvre en bouillonnant sur le Pacifique.
Un peu plus loin nous passons sous le Pont des Amériques. Pendant longtemps seul point de passage routier entre les Amériques  du nord et du sud. Une vedette vient récupérer le pilote.
Coût de la traversée 500$


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15 septembre 2009 2 15 /09 /septembre /2009 20:54
Convoyage du "Norfolk County" de Douarnenez à Port-launay.




Convoyage très sympa malgré deux départs d'incendie assez vite maîtrisés.
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